Prachuap Khiri Khan : entre mer et montagnes, la Thaïlande en équilibre
Située à seulement trois heures de route au sud de Bangkok, la province de Prachuap Khiri Khan s’étire comme un ruban étroit entre le golfe de Thaïlande et la frontière birmane. À l’image de cette géographie singulière, elle conjugue contrastes et harmonies : cités royales et villages de pêcheurs, plages paisibles et montagnes calcaires, mémoire historique et douceur de vivre.
Loin des foules de Phuket ou Pattaya, elle offre un visage plus serein et sincère de la Thaïlande. Une province qui se lit à plusieurs niveaux : géographique, historique, et touristique.
Un territoire étroit mais riche
Avec une superficie d’environ 6 400 km², Prachuap Khiri Khan fait partie de ces provinces à la topographie singulière. Elle s’allonge sur plus de 200 kilomètres de long, mais parfois à peine 10 kilomètres de large, entre le littoral du golfe et les montagnes de la chaîne du Tenasserim, qui marque la frontière avec le Myanmar.
Des paysages variés
Le territoire s’organise en trois grands ensembles :
- La bande côtière, ponctuée de baies, de plages et de villages de pêcheurs ;
- Les plaines agricoles, où s’étendent cocotiers, champs d’ananas et plantations d’hévéas ;
- Les collines et forêts à l’ouest, qui abritent une faune encore préservée.
Près de 40 % de la province sont couverts de forêts. Deux grands parcs nationaux – Khao Sam Roi Yot et Kui Buri – en protègent les paysages emblématiques : falaises calcaires, grottes secrètes, marais et collines d’où l’on peut observer des éléphants sauvages.
Le climat, tropical, reste relativement tempéré par la proximité de la mer. De novembre à mars, les températures sont agréables et les pluies rares : c’est la saison idéale pour découvrir la région.

Une histoire entre royaume et frontière
Des origines anciennes
Des traces d’occupation préhistorique ont été retrouvées dans les grottes du parc national de Khao Sam Roi Yot, notamment des peintures rupestres et outils datant de plusieurs millénaires. La région faisait probablement partie des réseaux d’échanges côtiers entre les royaumes de Dvaravati et de Srivijaya.
Durant la période d’Ayutthaya, Prachuap servait de port de ravitaillement et de poste avancé sur la route du sud. Après la chute d’Ayutthaya en 1767, plusieurs villages côtiers furent abandonnés avant d’être réinstallés sous le règne de Rama II et Rama III.
Naissance du nom Prachuap Khiri Khan
Au XIXe siècle, le roi Rama IV (Mongkut) réorganisa l’administration du sud et fusionna trois anciennes cités : Bang Nang Rom, Kui Buri et Khlong Wan. Il donna au nouvel ensemble le nom de Prachuap Khiri Khan, qui signifie « la montagne de la cité bénie ».
C’est aussi sous son règne qu’eut lieu un épisode resté célèbre : en 1868, le roi organisa une expédition scientifique à Sam Roi Yot pour observer une éclipse solaire totale, en compagnie d’astronomes français et britanniques. Il y contracta le paludisme et mourut peu après, conférant au lieu une dimension historique et symbolique particulière.
L’invasion japonaise de 1941
La province joua un rôle stratégique au XXe siècle. Le 8 décembre 1941, au matin même de l’attaque de Pearl Harbor, des troupes japonaises débarquèrent sur la plage d’Ao Manao, près de la ville de Prachuap. Les militaires thaïlandais du 5e régiment de l’Air Force opposèrent une résistance héroïque avant de recevoir l’ordre de cesser le feu.
Aujourd’hui, cet épisode est commémoré au Musée de la Bataille de Prachuap, situé à l’entrée de la base aérienne de Wing 5. Chaque année, une cérémonie rend hommage aux soldats tombés. Le musée présente des photographies, uniformes, armes et récits de cette journée marquante de l’histoire thaïlandaise.
Une province tournée vers la modernité
Après la guerre, Prachuap Khiri Khan s’est peu à peu transformée. L’arrivée du chemin de fer et la création de la station balnéaire royale de Hua Hin au début du XXe siècle ont attiré les élites de Bangkok. Le roi Rama VII y fit construire le palais de Klai Kangwon (« loin des soucis »), toujours résidence royale secondaire.
Depuis, Hua Hin demeure un symbole de villégiature élégante, tandis que le reste de la province garde un visage plus discret et préservé.

Un patrimoine culturel discret mais vivant
La province compte une mosaïque de communautés : pêcheurs thaïs, agriculteurs, Birmans, descendants de Chinois du sud et quelques minorités montagnardes à l’ouest.
Temples et traditions
- Le Wat Thammikaram Worawihan, dominant la baie de Prachuap, offre une vue spectaculaire sur la mer et les trois promontoires rocheux qui encadrent la ville.
- Le Wat Khao Takiab, à Hua Hin, perché sur une colline peuplée de singes, mêle statues bouddhiques et panorama sur la plage.
- Plus au nord, le Wat Huay Mongkol abrite la gigantesque statue du moine Luang Phor Thuad, figure vénérée dans toute la Thaïlande.
Chaque année, des festivals locaux animent la région : processions nautiques, fêtes du temple et célébrations du nouvel an bouddhique.

Musées et mémoire
Outre le musée militaire de la base aérienne, la province abrite plusieurs sites de mémoire et d’interprétation :
- Le parc Rajabhakti, situé au sud de Hua Hin, est un vaste espace commémoratif inauguré en 2015 pour honorer les grands rois de Thaïlande. Sept statues monumentales en bronze, hautes de plus de 14 mètres, représentent les souverains les plus marquants de l’histoire du royaume, de Sukhothaï à la dynastie Chakri.
- Le Royal Hua Hin Railway Station, construite au début du XXe siècle, possède un pavillon royal en teck rouge : c’est l’une des plus anciennes et des plus belles gares du pays.
- Le centre d’accueil des visiteurs de Khao Sam Roi Yot, à l’entrée du parc national, présente l’histoire naturelle et les traditions de pêche des villages côtiers.
Ces lieux forment une trame discrète mais éloquente : celle d’une province qui a su allier modernité et mémoire.

Des incontournables touristiques entre mer et nature
Au-delà de Hua Hin, plusieurs destinations méritent le détour.
La ville de Prachuap Khiri Khan
Petite capitale provinciale, elle séduit par son atmosphère tranquille. La baie d’Ao Prachuap, bordée de collines verdoyantes, s’anime au coucher du soleil. Les visiteurs montent souvent les 396 marches du Wat Thammikaram pour admirer la vue panoramique, avant de flâner au marché de nuit du front de mer.
Un peu plus au sud, la baie d’Ao Manao est réputée pour la beauté de sa plage et pour la présence d’une colonie de douc langurs, singes au visage noir et au pelage argenté, vivant en liberté près de la base aérienne.

Hua Hin et ses environs
Station balnéaire historique, Hua Hin reste le centre touristique le plus développé de la province : hôtels, parcours de golf, marchés nocturnes, restaurants en bord de mer. Mais ses environs offrent davantage de calme :
- Khao Tao, charmant village en bord de lac, prisé pour son temple perché et ses plages plus discrètes ;
- Suan Son Pradiphat, longue plage de pins rattachée à l’armée, appréciée des familles ;
- Pranburi, avec sa réserve naturelle (Pranburi Forest Park) où les mangroves se découvrent via des passerelles en bois, et ses plages tranquilles bordées de petits hôtels de charme.

Les parcs nationaux
- Khao Sam Roi Yot (les trois cents sommets), premier parc marin de Thaïlande, est un condensé de paysages : lagunes, falaises, grottes et marais d’eau douce où vivent hérons, ibis et cigognes. La grotte de Phraya Nakhon, avec son pavillon royal illuminé par un puits de lumière naturelle, en est le joyau.
- Kui Buri National Park, plus à l’ouest, est l’un des rares endroits du pays où l’on peut observer des éléphants sauvages et parfois des gaurs, ces grands bovidés d’Asie. Des excursions organisées par les rangers permettent une observation respectueuse de la faune.

D’autres sites remarquables
Plus au sud, vers la frontière, la région de Thap Sakae et Bang Saphan offre des plages quasi désertes et des hébergements à taille humaine. Les plongeurs s’aventurent parfois jusqu’à l’île de Ko Talu, connue pour ses eaux turquoise et son récif corallien préservé.
L’ensemble compose une palette étonnamment variée : balnéaire, naturelle, patrimoniale et rurale.
Vie locale et gastronomie
La province vit encore largement de l’agriculture et de la pêche. Les marchés regorgent de produits frais : poissons, crevettes, ananas (symbole de Prachuap Khiri Khan) et noix de coco.
Les spécialités locales incluent le kao pad sapparot (riz sauté à l’ananas), les calmars grillés de Bang Saphan ou encore le nam prik kung siap, pâte pimentée aux crevettes séchées.
À Hua Hin, la tradition des marchés de nuit reste vivace : stands de fruits de mer, textiles et petits artisans. Le Cicada Market, installé dans un jardin, mélange art contemporain, gastronomie et musique en plein air — reflet d’une province qui se réinvente sans perdre son âme.

Défis et avenir
Le développement touristique rapide de Hua Hin et la multiplication des complexes balnéaires posent aujourd’hui la question de la préservation environnementale. Certaines zones humides ont été transformées en fermes de crevettes, menaçant l’équilibre écologique du littoral.
Des initiatives locales, soutenues par des ONG et le ministère du Tourisme, encouragent cependant un modèle plus durable : hébergements éco-responsables, circuits communautaires, protection des zones forestières.
Prachuap Khiri Khan pourrait devenir un modèle de tourisme équilibré, entre attractivité économique et sauvegarde de son identité.

Province frontalière, lieu de mémoire, terre de contrastes, Prachuap Khiri Khan incarne une autre Thaïlande : celle de la continuité tranquille. Ses paysages maritimes et montagneux dessinent un horizon multiple, où l’histoire royale croise la vie des pêcheurs, où le souvenir des batailles se mêle au parfum des cocotiers.
Pour le voyageur curieux, elle offre à la fois la sérénité d’une côte préservée et la densité d’un territoire chargé d’histoire. Une province à découvrir lentement, les pieds dans le sable et l’esprit ouvert.
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